lettres


PARDONNE-MOI J'AI PEUR…

(suivi de "reviens, à deux on est plus fort)

Le 6 décembre 2014

 

Mon amour,

 

Je ne suis pas courageuse. 

Tu as toujours pensé que j’étais prête à braver tous les interdits, à faire face à toutes les intempéries de la vie, mais c’est faux puisqu’aujourd’hui je profite de ton absence pour t’envoyer cette lettre. 

Tu  te plais à affirmer que je suis la plus forte de nous deux et qu’il te suffit de suivre mes choix pour être heureux. Tu aimes quand le vent me pousse en avant et quand tu t’abrites sous ma voile. Je sais tout cela mon cœur et je te chéris ainsi. Tu m’as juchée tout en haut d’un piédestal dont je ne sais plus redescendre. Alors comment te dire que désormais tout va changer si je reste à tes côtés ?

La force et la beauté que tu idolâtres en moi vont s’envoler. Même avec la meilleure volonté, je ne vais pas savoir les garder, elles vont s’échapper comme des fumées sans que je puisse agir de quelque façon que ce soit pour les retenir… Comment t’avouer en pleine face, les tourments qui m’assaillent ? Comment te dire que je suis morte de peur et que je ne me sens pas le droit de t’embarquer avec moi sur un bateau chargé d’une cargaison avariée ?

C’est ce que je suis mon amour….rongée de l’intérieur par un crabe qui se nourrit de moi sans vergogne. Il va tout dévorer…ma peau douce et mes éclats de rire, les boucles brunes  dans lesquelles tu adores perdre tes doigts.  La malice va quitter mes yeux, mes seins ne rechercheront plus tes mains… Tout ce qui forge ton admiration n’existera plus.

Si je reste, tu feras semblant, je te connais…tu seras aux « petits soins » pour moi, trop indubitablement et moi, je ne supporterai pas ton sourire forcé et ton air coupable…Car tu le seras obligatoirement : coupable à tes yeux d’être en bonne santé face à ma maladie et tu deviendras coupable à mes yeux de faire comme si j’étais toujours la même.

Petit à petit tu vas te détruire, je ne le veux pas. Il me faut te préserver, mon amour, puisque je ne peux me préserver moi-même de la déchéance. Au moins je ne te l’imposerai pas…

Je pars. Il le faut je le sais Toi tu comprendras plus tard que ce choix est le meilleur pour nous deux, tu as toujours un métro de retard c'est incroyable...

C’est un acte d’amour bon sang ! Arrête de pleurer…car je sais que tu pleures en ce moment. Tu vois ! Tu n’es pas là et je me mets déjà en colère contre toi ! Imagine un peu quand j’aurai les veines gorgées de chimiothérapie, quand mon estomac n’en pourra plus de vomir sa bile… Je  serai infecte… Affreuse et infecte…

Te quitter m’arrache le cœur, je t’aime tellement et depuis tant de temps. Comment vais-je faire sans toi ?

Accorde-moi une dernière faveur mon cœur ! Bats-toi plus fort que jamais. A chaque fois que tu te sentiras couler, pense que je suis encore là devant toi…suis-moi comme avant et tu trouveras l’énergie nécessaire pour avancer. Tu y arriveras j’en suis certaine et la force nouvelle qui naîtra en toi sera un peu de moi, elle nous rassemblera au-delà de l’absence.

 

Je t’aime…

A.

 

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REVIENS, A DEUX ON EST PLUS FORT  !

 

Pour Luky,

Mon Ange,

J’ai trouvé ta lettre posée sous le miroir de l’entrée. Je suis resté comme un idiot, avec ce message dans la main, couvert de consonnes et de voyelles entrelacées, jetées  à la va-vite sur le papier.. Je n’ai même pas reconnu ton écriture au début. J’ai cru qu’il s’agissait d’un bulletin reçu le matin même. Tu l’avais déposé là pour me le montrer à mon retour.  J’en ai lu la moitié et l’ai trouvé un peu excessif dans la formulation., du genre « inducteur d’émotion » - Nous le relirons ensemble, me suis-je dit. Nous en discuterons tout-à l’heure, Nous ne sommes pas iPaginauteurs pour rien.

Curieusement, mes doigts se sont crispés et ont froissé le message inconsciemment. J’ai éprouvé un léger vertige et me suis assis sur la première marche de l’escalier, avec au creux de l'estomac, la sensation d’une catastrophe imminente.

C’est là que j’ai compris... Il s’agissait de toi, tu disais que tu étais malade et que tu étais partie. PARTIE ? MALADE? Toi si forte, si pleine de vie, non mais quelle connerie !!! Pourtant j’ai su immédiatement que c’était vrai.

Comment te joindre et te dire que je ne suis pas d’accord ! Pour la maladie je n'ai pas le choix, mais il n'est pas question que tu t'éloignes de moi , je ne sais même pas où tu es en ce moment ! Tu as forcément emporté ton portable, alors lis bien ma réponse jusqu'au bout, je t’en prie.

JE NE VEUX PAS  de ton absence mon ange Je veux rester à tes côtés, cela ne peut être autrement. Tu fais partie de moi. Comment peux-tu imaginer une seule seconde que tu vas guérir sans moi ? Nous sommes comme l’archet et son violoncelle, comme la pluie appelle la grêle, comme une bougie réclame une étincelle. Ta vie est imprimée sur la mienne mon amour, sans toi je n’existe pas !

Te souviens-tu du diacre qui célébra notre mariage dans cette petite chapelle ? Trente ans déjà, il me semble que c’était hier….Nous avons juré de rester ensemble pour le meilleur et jusqu’au  pire.  Il y aura d’autres meilleurs après, crois-moi et accepte-moi à tes côtés, je t’en supplie…

Qu’importe l’enveloppe charnelle, qu’importe la déchéance ! la mienne serait totale sans toi.  Je t’aime telle que tu es, le matin quand tu débarques dans la cuisine de mauvaise humeur, les cheveux en bataille et les yeux gonflés,  quand tu te maquilles devant ta glace, et quand tu planes à mille lieues de moi.  JE T’AIME !  entends-tu ? en bonne santé ou malade, belle ou laide,  avec ou sans cheveux, c’est toi qui m’importe, uniquement TOI. ! Tu es belle en dedans ma Divine...

Alors , il ne sert à rien de te cacher comme un chat ! Tu vas me faire le plaisir de rappliquer dare-dare mon ange, et je vais te prouver que tu n’as pas le monopole du protectionnisme et de la vitalité. Je vais en insuffler suffisamment pour deux et ce putain de squatter, on va le foutre dehors tous les deux et ENSEMBLE .  

Reviens vite mon amour ! Sans toi la vie n’est qu’une triste imposture….

 

J'ai besoin de toi, je t'aime...

 

La moitié de ta vie.