AND THIS IS M WAY...


Suite de textes écrits pour "la saga de l'amour" sur iPagination.com (été 2015)


 

MARCHE À L'OMBRE (La rencontre)

 

Je m'appelle Renaud, j'ai vingt ans et je suis le pire looser de ma génération. C'est comme ça, Je dois l'accepter même si je vous jure que l'étiquette est difficile à porter. 

- Hé Renaud ! Marche à l'ombre ! Si je n'ai pas entendu cette plaisanterie cent fois depuis deux ans, je ne l'ai pas entendu une seule. 

 

Marcher à l'ombre, je ne fais que cela... Tout le temps...Quand je rencontre une connaissance, je change immédiatement de trottoir, je baisse le nez et deviens très absorbé par les lacets de mes chaussures ou par un curieux rampant sur le macadam, de peur d'être obligé d'engager la conversation.


Vous avez tout compris,  je suis un effroyable timide, de ceux dont le moule est cassé... Heureusement... Parce que je ne souhaite à personne de me ressembler. Déjà tout petit, je me cachais sous la table quand des visiteurs pénétraient dans l'appartement de mes parents. Non mais vous m'entendez ? je dis " de mes parents" comme si je n'habitais pas avec eux ! C'est presque cela, je suis là...et pas là. Je regarde vivre les autres. Ils ont l'air heureux les autres. Pourquoi ai-je donc sans arrêt le sentiment de devoir m'excuser d'exister ? Du coup les gens s'habituent à mon absence, à ma transparence. Et moi aussi... Presque.


Mes parents ont pris l'habitude de ne jamais me demander mon avis pour quoi que ce soit, ni pour mes cadeaux de Noël quant j'étais môme, ni pour mes souhaits d'orientation scolaire plus tard. Ils ont choisi la filière scientifique à ma place Je n'ai donc eu d'autre choix qu´être excellent en maths - il se trouve que j'avais énormément de temps puisque je restais tout le temps dans ma chambre - L'informatique est devenue très vite limpide dans mon cerveau torturé.


Alors looser ? Oui, en ce qui concerne ma vie sociale, parce que sinon, je suis devenu une tronche en programmation informatique. Mes notes étaient bonnes mais je contrôlais mes performances juste en-dessous de l'excellence pour ne pas me faire remarquer...surtout rester dans l'ombre. 


- Hé marche à l'ombre Renaud ! Et hop ! les "soit-disant" têtes de la promo de prépa informatique s'en donnaient à cœur joie à chaque fois que mes yeux de cocker piquaient vers le sol à leur approche.

 

J'ai marché. Bien à l'ombre... jusqu'au concours.

 

Qu'est- ce qui m'a pris de faire ce concours interne ? Je me souviens de ce soir d'avril, où, déprimé d´entendre mes parents s'extasier sur " Jean-Baptiste ce garçon si brillant... Et si gentil.." il a vraiment tout poului, a ajouté ma mère, les yeux brillants de convoitise.


Je me souviens encore du coup dans l'estomac. J'ai agi sur un coup de tête et j'ai rempli le formulaire d'inscription en deux temps trois mouvements. je ne me suis même pas renseigné sur le prix atribué au gagnant.


Et j'ai gagné. Haut la main.


Quand le résultat fut publié sur le panneau d'affichage de la " High Technologic School", tout le monde s'est demandé qui était ce Renaud Fontenay.  J'ai attendu... à l'ombre bien sûr... Jusqu'au moment où un gars du groupe des moqueurs s'est tourné vers moi l'air stupéfait.


- Mince les gars, c'est l'albinos !


Petit, minable, nul, ai-je pensé, vexé mais en même temps secrètement ravi de ce succès. Mon exaltation fut de courte durée.


- Ah ah ah ! Hé looser ! Tu vas t'éclater avec ton prix.... Ecoutez ça les potes ! il a gagné un stage de communication d'un mois en Angleterre. Immersion totale chez l'habitant avec en prime des cours particuliers. Mec tu pars dans deux jours ! Et ne fais pas ces yeux, il y a beaucoup d'ombre là-bas, tu pourras continuer de te planquer !


Le ciel me tomba sur la tête, j'avais imaginé gagner une somme d'argent et m'acheter ainsi du matériel informatique. 

Un looser je vous dis...Comme on n'en fait plus que dans l'imagination des auteurs d'iPagination.com..

 

Mes parents affichèrent le même air ébahi que les étudiants. Gagnant, leur fils ? 


-Tu es sûr que ce n'es pas une erreur ?  S'interrogea ma mère à voix haute...Sympa...


Mon père me dit rien, mais j'eus la surprise de croiser son coup d'oeil admiratif, suivi d'un " Allez mon fils, va faire ta valise " qui me laissa pantois.


De deux choses l'une : ou ils cherchaient tous les deux à se débarrasser de leur boulet, ou au contraire ils étaient fiers de moi. Cette hypothèse à elle seule fut suffisante pour provoquer un électrochoc.


Après  tout pourquoi pas ? C'était peut-être le moment ?  Là- bas personne ne m´avait encore collé une etiquette sur le front. Tout au plus on me prendrait pour un garçon reservé. 

 

Et avec un peu de chance, il y aurait un maximum de cours par internet...


*********


airport

Le crachotis du haut-parleur indiqua que l'avion était en train d'atterrir. J'ôtai le casque de mes oreilles et le rangeai dans mon sac à dos, non sans avoir présenté mes excuses à mon grognon de voisin, pour l'avoir obligé à se lever. Le vol n'avait duré qu'une heure, mais l'homme avait trouvé le moyen de se plaindre auprès de l'hôtesse durant tout le trajet. Encore un type mal embouché, à croire  qu'ils étaient légion sur terre. - Ou alors je les attire, pensai-je. Et voilà, Caliméro reprenait le dessus... 

L'atterrissage se déroula sans problème. J'attendis que la majeure partie des passagers - à commencer par mon irrascible voisin. - déserte la carlingue pour quitter l'avion à mon tour. Je ne pouvais plus reculer...

- Have a good day ! me souhaita l'hôtesse avec un petit clin d'oeil. Je murmurai un rapide " Thanks" en baissant du nez. Je n'étais peut-être pas si moche au fond ? Ou alors elle avait fait un pari avec sa copine de vol. Bref.

Les formalités effectuées, je me dirigeai vers la sortie de l'aéroport de Stansted. C'est maintenant que les choses se corsaient. Vous n'allez pas le croire, mais c'était la première fois que je voyageais seul. Si si... J´avais toujours réussi à passer entre les mailles du filet des voyages scolaires et mes parents n'avaient jamais insisté pour me mêler aux autres, comme ça tout le monde était soulagé...  

Mais aujourd'hui, c'était une autre paire de manche, si j'ose dire, je m´adresserai directement aux gens. Ma thérapie commençait... Now...Avec un peu de chance, j'étais timide uniquement en France. Outre-Manche, un miracle allait-il se produire ? On a le droit de garder la tête dans les nuages quand on vient de voler pour la première fois non ? J'avais même l'impression de me sentir un peu plus léger... 

Je réceptionnai ma valise sur le tapis roulant, et me dirigeai vers la sortie de l'aéroport. Il était prévu que quelqu'un vienne me chercher, pour ensuite me guider vers mon lieu d'hébergement.

Le hall d'accueil grouillait de personnes venues accueillir des proches ou des amis. Ici pas de cris ou d'exclamations bruyantes comme en France. Je remarquai que les gens se serraient dans les bras en silence, ce qui n'enlevait aucune sincérité ni de plaisir à leurs retrouvailles. Je me souviens avoir pensé que ce côté réservé me plaisait bien.

Mais où était donc mon accompagnateur ?

J'aperçus un panneau fluo élevé au-dessus des têtes aglutinées. J'y lu "Renaud Fontaine" en lettres capitales, et malgré l'erreur de nom, je devinai qu'il s'agissait bien de moi. Je pris une profonde inspiration et me dirigeai avec appréhension vers le carton jaune.  Zut encore un signe négatif...

- Arrête avec tes superstitions ! me morigénai-je, agacé.

A deux mètres de la pancarte, j'osai suivre sa prolongation vers la main qui la portait. Je savais qu'après la main, il me faudrait remonter le bras, puis l'épaule, le cou, pour enfin découvrir le visage de mon anglais. J'angoissai à l'idée de ce premier contact visuel. De lui dépendrait la suite de mon périple. Je fermai et rouvris rapidement les yeux.

Une main fine aux ongles vernis de rouge débraya brutalement mon coeur. Une terrible embardée à gauche...

Mon chauffeur était une femme, c'etait le bouquet ! Le destin se moquait de moi une fois de plus...ou alors j'étais filmé. Timide et parano..j'avais vraiment tout pour plaire...

Une femme...en tant que matheux, j'aurais dû évaluer statistiquement le risque encouru. L'hôtesse, c'était du 90% sûr mais les chauffeurs en Angleterre sont plus souvent des hommes..enfin il me semble...

Vous voyez, on ne change pas un looser qui loose, même avec un baptême de l'air...

Je ne pouvais plus reculer. Mon regard suivit le protocole établi...un poignet délicat autour duquel glissaient les perles d'un joli bracelet... Un bras tendu vers le ciel... la longue musculature du biceps supportant le poids de la pancarte...l'épaule arrondie et dénudée, le papillon prêt à s'envoler, posé tout près de la clavicule saillante... Le cou gracile, blanc ..très blanc, long..celui d'une danseuse probablement. Je retardai au maximum l'instant fatidique. admirer encore un instant le creux de son cou avant de remonter plus haut...

Maintenant !

Mes yeux plongèrent dans ses yeux verts comme aspirés par le tourbillon d'un courant le mer. Je fus assailli par des centaines de sccintillements ocres dans un regard incroyablement limpide. La lumière ça fait presque mal quand on vit dans l'ombre...

 

queue de cheval

 

Deux rangées de cils oranges bordaient les paupières, recouvertes d'un fard clair, accentuant le contraste entre la couleur des yeux et le crème de la peau. A l'instar des iris, les joues étaient parsemées elles aussi de myriades de grains de blé. j'ai immédiatemnt pensé à une musaraigne : un petit nez retroussé et impertinent au beau milieu d'un visage triangulaire, entouré de cheveux carottes tirés en queue de cheval au sommet de son crâne. Mais ce qui m'impressiona le plus, fut son air réjoui, agrémenté d'un immense sourire d'une oreille à l'autre.

 

Cette fille était le soleil personnifié.

 

Elle s'avança au ralenti et chacun de ses pas, de ses gestes, me parut quasiment irréel. Je restai bloqué sur place devant le spectacle. Les gens autour de nous se mouvaient à une vitesse normale, seuls elle et moi nous trouvions dans une autre dimension. Jusqu'au moment où elle m'adressa la parole. Là...L'incroyable se produisit.

Son joyeux éclat de rire fit voler en mille morceaux la moindre de mes défenses.

 

Avec un accent à couper au couteau un fish'n chips, elle s'exclama :

- Renaud ! it's you ? really ? Oh my god tu es trop beau !!! Bienvenue dans mon pays, Frenchie !

J'ai failli me retourner, c'est pour vous dire. Moi ? Beau ? incredible !!!

Elle arriva à ma hauteur, me sauta littéralement dans les bras et me planta un baiser sur la bouche avec un naturel déconcertant. Bon d'accord, pas un french kiss, mais quand même ! 

Que pouvais-je faire sinon refermer mes bras autour d'elle ? J'ai refermé mes bras autour d'elle, vaincu par ce tourbillon qui emportait toute ma timidité.

Elle me tira par le bras, le gauche bien sûr, ravie de cette superbe entrée en matière ( pas autant que moi) et nous sortîmes main dans la main de l'aéroport.

Dehors il faisait un superbe soleil, pas la moindre zône d'ombre pour s'abriter.

Je n'en n'avais nul besoin.

 

LA FILLE DE L'AIR ( la vie en couple)


bow window

 

Je resserrai frileusement mon écharpe autour de mon cou. Bon Dieu  ! Qu’il faisait donc humide dans ce pays… Depuis une semaine, la pluie n’arrêtait pas de délaver le ciel, à croire qu’il devenait de plus en plus transparent chaque jour. Les nuages, comme des ogres affamés, dévoraient systématiquement le moindre rayon de soleil.

 

J’étais frigorifié. L’air s’engouffrait insidieusement autour des bow windows, dans toutes les pièces de cette vieille maison victorienne de St James Street. Je me levai du canapé où, blotti mon ordinateur sur les genoux, un plaid écossais sur les jambes, je révisais  les performances du langage Java.

 

-   - Ce n’est pas possible, on se croirait dehors ! grommelai-je en suivant d’instinct le courant d'air glacial qui émanait de la chambre à coucher.

rhume 2

En pénétrant dans la pièce, j’aperçus la fenêtre grande ouverte. Un tourbillon avait précipité les feuilles brunes-orangées des arbres de St james Park, sur le vieux parquet non ciré. iI y en avait même éparpillées sur le lit. Octobre aimait jouer avec les couleurs…et les nerfs de l’expatrié que j’étais.

Elle est inconsciente! Elle a encore laissé la fenêtre ouverte, m’écriai-je agacé, en me précipitant pour rabattre le vantail coulissant.

 

Je ramassais une à une les feuilles de platanes, immiscées dans l’immense lit qui occupait la majeure partie de l’espace. Depuis notre rencontre, il n’avait pas beaucoup été recouvert de sa couette, ni très longtemps resté inoccupé.

 

anglaiseJe revis en une seconde nos corps enlacés sous les draps froids, je sentis le corps parfumé  et brûlant de Jennifer.  De merveilleuses sensations de chaud et froid que nous explorions sans modération depuis deux mois. Cette fille était certes le soleil personnifié, mais elle n’en n'avait pas que la luminosité. Elle était une braise incandescente, irradiait de toute part, provoquant en moi des vagues de chaleur récurrentes. Il faut dire que sa façon de se vêtir était pour beaucoup dans l’effet calorifère sur ma petite personne sans expérience. Trainant dans son sillage un parfum sucré irrésistible, toujours  affrio-moulante ( mot inventé par mes soins parce qu’il lui allait si bien) et courte vêtue, elle avait fait s’envoler presque tous mes complexes et s’amusait chaque jour à participer à ma thérapie anti-timidité.

Je rougissais encore de temps en temps quand en m’embrassant goulument, elle me disait :

- Renaud,.. Get into this bed and make love to me, right now ! ( Viens dans ce lit et fais-moi l’amour ,tout de suite ! )

 

J’avais vite compris qu’on ne pouvait pas dire ‘No » à Miss Jennifer Priesley. Je n’essayais même pas.  Quand Jennifer était avec moi, j’avais la fièvre au corps…car Jennifer avait toujours chaud….tellement chaud qu’elle ouvrait toutes les fenêtres de la maison... tout le temps...même quand elle n'était pas là.

 

J’imaginais les plaisanteries graveleuses des garçons de ma promo en France.

 

-   - Hé les gars, « Marche à l’ombre » s’est trouvé une « chaudasse » qui a le feu au cul. ! Au feu les pompiers !

IL y avait peu de pompiers ici, malgré les nombreuses sirènes  stridentes qu’on entendait d’autant mieux puisque que les fenêtres restaient grandes ouvertes…

 

Et Jennifer qui se baladaient toujours à poil comme si de rien n’était…

 

C’était à peu près les seuls deux travers de Jennifer… Mais deux travers… qui me restaient en travers. Moi j'avais juste chaud quand elle était là... Le reste du temps, c'était juste insupportable de vivre avec une fille de l'air !

 

 

La fin du mois d’octobre arriva. ..Et la fin de mon stage aussi. Dans quelques jours, il me faudrait reprendre l’avion, retrouver le sol français, mes parents, ma maison, ma ville, le fil de mes études…et ma bande de harceleurs…

 

Je sentais que j’avais fait un pas vers la guérison. Quand je pensais à eux, ils me paraissaient  très éloignés, mais il me semblait que si demain je me trouvais en leur présence, je serais capable de passer devant eux sans raser les murs.  Peut-être pas leur parler, mais au moins les ignorer.

 

Jenny semblait soucieuse depuis deux jours, préoccupée par des pensées qui l’empêchaient de rire pour un oui pour un  non comme à l’ordinaire. Son petit museau de musaraigne ne se fronçait plus sous l’effet de désopilantes grimaces et elle avait mis un pull…

 

La veille de mon départ, les fenêtres restèrent fermées toute la matinée. Du coup, j’eus presque chaud en pliant mes  chemises et en les  empliant sur le bord de la couette.

Elle ne disait rien, me regardait ouvrir ma valise et placer les premiers effets à l’intérieur du  bagage. De temps en temps, elle  semblait absorbée par une vidéo qui défilait sur l’écran de son Mac Book, puis elle levait son menton, le nez en l’air comme un écrivain chercherait une inspiration.

 

Puis l’incroyable se produisit…

 

Comme un diable extirpé de sa boite, Jennifer bondit du lit. Elle arracha le passeport que je m’apprêtais à ranger. Elle retourna ma valise pour en vider le contenu et devant mon air abasourdi, s’écria en retirant son pull et en le jetant par terre :

 

- Don’t move Darling !

 

Interloqué, je suspendis mon geste, dans l’attente inquiète de l’instant suivant. Le suspens fut à la hauteur de la chute, si j'ose dire.

 

Jennifer Priesley, à l’instar d’un acteur romantique français du début du siècle, se planta à mes pieds, un genou à terre ; elle mit sa main gauche sur son coeur et déclama dans le français le plus horrible qui soit.

 

-   Renaud, je veux te marier, s’il te plait donne-moi ta main droite.

 

alliance

Elle était adorable, presque nue à mes genoux. ..Absolument craquante. En un instant j’ai compris que si je lui disait oui, on vivrait tous les jours ensemble, on aurait des enfants : une fille dévergondée et réchauffée et un garçon timide et frileux. J'ai intégré en un rien de temps, que je serai un perpétuel enrhumé, car à cause ma timidité naturelle, je n'oserais peut-être jamais lui avouer que j'avais froid quand elle n'était pas là.

 

J’ai imaginé la tête de mes parents devant cette fille excentrique et superbe : celle de ma mère choquée du peu de surface corporelle couvert de sa future belle-fille, celle de mon père, flatté et même un peu émoustillé sur les bords.

J'ai vu tout cela en une demi-seconde à peine

 

Et pour la première fois de ma vie j’ai hurlé, de rire, de joie, de soulagement, un rire libérateur :

 

- YESSSSSS !!!!!!

 La vie de famille (et ses aléas)

 

     -    Je te dis que j’ai gagné deux places pour le concert de Motörhead de jeudi prochain. Ça va être trop cool Julian, on va s’éclater comme des bêtes !

 

     -       ….

 

     -       Bah quoi t’es devenu muet ? Tu devrais sauter au plafond mec ! C’est le concert du siècle, tu te rends compte du bol qu’on a ? Les potes vont crever de jalousie ! crie Pete complètement surexcité, la bouche collée à son Iphone dernier modèle. Lemmy Kilmister va tout déchirer !

 

     -       Ouep, c’est super, rétorque Julian d’un ton qui contredit cette merveilleuse annonce, mais mon père ne va jamais vouloir que j’y aille. Non seulement il m’interdit de sortir en semaine, mais il a peur de tout. Il a décrété que les lieux de concert sont des repères de malfaiteurs et des nids à dangers. C’est mort je te dis…

 

 

    -    N’importe quoi l’O2 Aréna n’accueille que 20 000 personnes et que des fans ! Allez ! débrouille-toi pour le convaincre ! Insiste Pete. Ton père a été jeune un jour, il va forcément comprendre !

 

Julian doutait des deux affirmations de son copain. Son père ne comprendrait pas et il avait certainement sauté l’année de ses quinze ans ou alors cela faisait tellement longtemps qu’il avait oublié…Il avait beau lui dire que les temps avaient changé, et que l’Angleterre était le pays de la liberté, son père restait bloqué en mode replay sur le concept «  Tu es jeune et tu es à la merci de tous les risques, mon devoir est de te protéger ». et sa liste des périls était loin d’être exhaustive !

 

Ça  passait par :

 

«  Dans les lieux publics on attrape des microbes, on est agressé, volé, racketté, on se perd, il y a des mouvements de foule, on est à la merci des dealers, des proxénètes, des kidnappeurs, des assassins, and so on and so on…»  et pour couper court aux protestations de son fils, il terminait toujours par «  De toute façon tu es trop jeune, tu ne sauras pas te défendre, je sais de quoi je parle… »

 

La messe était dite. Même Mum n’arrivait pas à le faire changer d’avis.  Heureusement qu’elle était cool, c’était tout le contraire de Papa. Elle avait expliqué à Julian que son père avait souffert de timidité maladive et subi les harcèlements des autres étudiants quand il vivait en France. Leur rencontre avait été bénéfique dans la gestion de ce travers de son caractère. Pourtant, ses angoisses étaient remontées à la surface depuis la naissance de Pete et celle  de Sarah, cinq ans plus tard, ne les avait pas divisées par deux.

 

Débrouille-toi comme tu veux moi j’y vais ; Si tu ne peux pas, je demanderai à Andrew, je suis sûr qu’il dira oui lui ! ajoute Pete, agacé.

 

Peter Hampston était un éternel optimiste, du genre « je veux donc j’ose ». Pour lui tout était simple, il suffisait d’avoir envie pour réaliser ses désirs. Tenez ! En janvier par exemple, il avait parié qu’il parviendrait à voler un baiser à la prof de Français, une femme magnifique et hyper classe qui impressionnait tous les garçons, Julian en priorité. Hé bien, Pete avait attendu qu’elle soit plongée dans la correction d’une pile de copies, l’air catastrophé du peu d’efforts fourni par les adolescents anglais de ce collège pour apprendre la langue de Victor Hugo, s’était glissé en douce derrière elle et lui avait planté un baiser baveux dans le cou. Il s’était pris une baffe en retour sans compter la conjugaison à tous les temps – y compris le subjonctif passé - de la locution verbale «  dépasser les bornes », mais avait claironné en rigolant que « la prof sentait les fleurs et que ça valait bien quelques représailles ». Il faisait l’admiration de Julian et celui-ci aurait fait n’importe quoi pour avoir la même force de caractère que son copain.

 

              - C’est le moment ou jamais de t’affirmer mec … c’est toi qui vois, insiste le tentateur… Motörhead ! non mais tu réalises ? Si tu loupes ça, t’es juste un gros nase !

 

La moquerie atteint Julian en plein cœur. Pete a raison, il ne peut pas passer à côté d’un concert de cette envergure. Du Heavy Métal, la musique qui le fait vibrer le plus au monde ! Impossible ! Il doit passer outre ses craintes pour une fois !

 

- OK je viens, passe me chercher  en scoot à 19h, je dirai que je suis souffrant et que je n’ai pas faim, et je ferai le mur. Mes parents n’y verront que du feu…

 

- Super on fait comme ça mon pote ! Les parents ça voit que dalle t’inquiète, tu ne risques rien ! s’esclaffe Pete en tapant joyeusement sur l’épaule de son copain.

 

Subitement Julian se sent le plus fort de toute la planète. Il a enfin osé prendre la décision de désobéir, une grande première ! Et puis après tout, puisque les parents ne s’apercevront de rien,  ça ne compte pas, non ?

 

****************** 

 

Les sons distordus et hyper amplifiés des guitares électriques rythmées par les impulsions sauvages de la batterie transcendent la salle entière.

 motorhead 4            

                                                                                                   

The world is yours » hurle Lemy  d’une voix gutturale,  à son public, et Julian se sent en totale osmose avec ces paroles et aussi heureux que les 19 999 autres fous de la salle du dôme du millénaire, dont le cœur, l’estomac et le cerveau suivent la cadence psychédélique du tempo infernal. Le monde est à lui…Rien n’existe plus que la musique.

 

 

Il reprend avec la foule « Kiss of Death » en se balançant frénétiquement sur les accords de la  basse puissante de son héros mythique à la barbe aussi longue que les cheveux. Une référence pour Julian, L’HOMME dans tout ce qu’il a de plus charismatique. un type qui comprend les jeunes et leurs débordements. Pas comme son père…

 

 

La suite il ne s’en souvient plus, son cerveau est déconnecté de tout ce qui n’est pas ce rock extrémiste. Il ressent juste un sentiment de plénitude, la joie d’être compris, la sensation d’être à sa place en ce moment précis… Nulle part ailleurs...


************ 


être parent

« Renaud ! Julian n’est pas dans sa chambre ! »

 

La voix hystérique de Jennifer parvient à Renaud, du fin fond des limbes d’un sommeil artificiel. Depuis plusieurs semaines, il a recours à des somnifères pour s’endormir. Ses démons ont repris le dessus, il recommence à craindre… Pourtant il n’a pas réellement de raison de s’angoisser ainsi. Il adore sa famille, Sarah et Julian se montrent des enfants faciles et sa vie professionnelle lui assure des revenus confortables. Tout au plus sa vie sentimentale devient un peu routinière, mais n’est-ce pas normal après quatorze ans de mariage ?

Les yeux de Jennifer pétillent un peu moins fort et  ne le regardent plus avec la même ferveur qu’au début. Bien sûr, il aimerait que leur amour soit toujours aussi passionné, mais la vie est une voleuse de temps et de sentiments… leur couple n’en souffre pas vraiment, pourtant Renaud  a des peurs irraisonnées, des trous d’air dans lesquels il tombe au moment de s’endormir, d’où le recours aux comprimés miracles.

 

-       Qu’est-ce que tu racontes ? grogne- t’il embrumé.

 

-    Je te dis qu’il n’est plus là ! Sa fenêtre est ouverte et il a placé des oreillers sous sa couette. Il a fugué !! crie-t-elle en le secouant brutalement.

 

 Le cœur et le corps de Renaud font le même bond au même moment. Comme un diable sorti de sa boite, il saute hors du lit et se précipite dans la chambre de son fils pour constater que sa femme n’a pas  la berlue. Il reste interloqué devant la fenêtre grande ouverte et la corde à nœuds de l’ex-portique des enfants, encore accrochée à l’espagnolette.

 

corde

-       Réveille Sarah, elle est peut-être au courant de quelque chose, ordonne t-il.

 

Ce n’est pas la peine, Sarah se tient dans l’embrasure de la porte,  ses yeux brouillés de reproches Sa peau paraît encore plus claire qu’à l’ordinaire et ses cheveux carotte, tout emmêlés, lui donnent l’air d’un jeune hérisson sur la défensive.

- Toi tu sais quelque chose, lui dit son père d’une voix forte en lui attrapant le bras fortement

 

      - Aïe tu me fais mal papa ! Je ne sais rien, mais c’est bien fait pour vous si Julian a sauté par la fenêtre ! pleurniche la gamine.

 

-       Laisse-la tranquille Renaud, intervient Jennifer. Ma chérie, dis  à mummy ce que tu sais.

 

-       Je ne sais rien du tout ! J’ai juste entendu Julian parler au téléphone avec Pete. Il disait que tu ne voudrais jamais s’il te demandait papa, mais qu’il le ferait quand même ! C'était trop important pour lui.

 

-       Mais Bon Dieu où peut-il bien être ? s’énerve Renaud en se tournant vers sa femme. Tu dois bien savoir, il te parle, à toi !

 

-     Non je ne sais pas, mais ce n’est  pas étonnant qu’il ne se confie pas ce kid. Tu ne suscites pas vraiment les confidences avec ton air renfrogné, lâche Jennifer. ça fait des mois qu'elle crève d'envie de lui balancer qu'elle en assez de le voir se renfermer sur lui-même et s'énerver pour un rien.

 

-       T’es-tu demandée pourquoi j’avais cet air ? Peut-être y es–tu pour quelque chose Jennifer ? rétorque Renaud, blessé. Jenny ne lui a jamais parlé ainsi.

 

Sa voix se serre et son ton coléreux vire aussitôt aux larmes. Privé de toutes forces, il s'écroule sur le lit de son fils. Il n’en faut pas plus pour précipiter illico la mère et la fille dans les bras de Renaud, le couvrant de baisers et de mots d’excuses pour leurs paroles blessantes.

 

-       Excuse-me my love !  Pardon papa ! C’est parce qu’on a peur pour Julian, s'exclament t-elles d'un même cri.

 

Sans un mot, Renaud essuie ses yeux du revers de la manche de son pyjama et se redresse.  Jennifer le prend par les épaules et lui plante son regard vert dans les yeux :

 

- Listen to me Darling ! Rappelle-toi, ce n’est pas la première fois qu’il nous met la tête à l’envers ce gamin. Souviens-toi quand il avait cinq ans.

 

Sarah paraît très intéressée mais se tait de peur d’être renvoyée dans sa chambre, sans savoir ce que son  frère si sage a bien pu faire quand il avait la moitié de son âge ?

 

enfant sac

 

- Tu  lui avais refusé une partie de skate avec son copain Assian, le petit de l’indien du coin de la rue ? Il avait piqué une crise et cherchait partout une valise en piaillant qu'il allait quitter la maison. Oh my God  ! se souvient Jennifer, avec un sourire ému. Il avait déniché un sac plus grand que lui dans lequel il avait mis un joggiing et une paire de baskets.

 

-    Il avait même pris sa brosse à dents,  c’en était presque drôle ! s’attendrit Renaud.

 

-    Sauf qu’il était vraiment parti avec son sac en laissant la porte d’entrée grande ouverte ! ajoute Jennifer en se souvenant encore de la froideur du vent et du claquement de la porte de la cuisine.

 

-    Tu te rappelles mon angoisse Jen ?  J'étais prêt à courir derrière, mais tu m’as dit de le laisser et qu'il n'irait pas bien loin. C'est tout toi ça…

 

-       J'avais raison ! Il est vite rentré ! même que…

 

 

Sarah se fait de plus en plus petite pour connaître la fin de cette histoire sortie des oubliettes. Personne, pas même Julian, ne lui a jamais racontée !

 

-      ...  Même que, reprend Jennifer au bord du rire. Il est rentré en trainant ce sac trop lourd pour lui et s’est planté devant nous en hurlant : « Maintenant j’ai la preuve que vous ne m’aimez pas, vous m’avez laissé partir !

-    Il était tellement en colère de savoir qu’un autre bébé poussait dans ton ventre. Il croyait qu’on ne voulait plus de lui, ce pauvre chéri ! comme si c’était possible ! soupire Renaud

 

Sarah n’en revient pas. Ni de savoir que Julian a osé se sauver quand il était petit parce qu'il était malheureux de son arrivée prochaine, ni de voir que ces souvenirs ont jeté ses parents  dans les bras l’un de l’autre. Finalement ce frère si calme et obéissant par rapport à elle, cache bien son jeu et devient du coup un récidiviste digne d'intéret... 

 

Son frère qui choisit à ce moment précis pour faire son come back, en basculant par dessus la fenêtre de sa chambre, et en s'écroulant pile poil au pied de ses parents !

 

Sarah pousse un cri strident. Papa et maman se séparent. Papa s’écrie, affolé :

 

-Julian ! tu vas bien mon chéri ?

 

Le chéri en question, n’a pas du tout l’air vexé de l'enfant de cinq ans de retour de sa pseudo fugue. C’est un adolescent de quinze ans,  arborant une béatitude étrange( ndlr : cela peut surprendre, l'ado heureux étant un concept tout nouveau) devant ses parents ahuris.  Assourdi par la puissance du son délivré par les enceintes gigantesques durant les deux heures du concert mythique, il n’entend plus du tout sa propre voix et hurle :


- Je veux devenir bassiste et faire du speed métal !


****************

LA CRISE

quatre post it

 

La mort dans l’âme, Renaud décroche le post-it collé sur la porte du frigo :

 

« Les papiers sont sur la table de la cuisine, l’avocat veut nous voir »

 

Son regard dévie sur la nappe fleurie anti tache. Ils l’ont acheté il y a deux ans, lorsque tout allait encore entre eux, les roses dessinées et regroupées en rosace, les avait fait craquer sur l’étal du marché  qui proposait chaque mois des articles provençaux aux ressortissants français et aux nostalgiques du soleil méditerranéen. Des roses, de la lavande et des olives noires… Renaud se rappelle que Jennifer avait absolument voulu un souvenir de leurs vacances idylliques en France, durant lesquelles ils avaient fait orgie de baignades, de ballades et de bonheur familial en compagnie des enfants.

C’était le bon temps…celui du partage..

Petit à petit, les roses étaient devenues épines, le parfum de la lavande s'était affadi et les olives n’étaient plus que noyaux.

Comment en étaient-ils arrivés là ? Des soldats de plomb, posés là gris et froids, toujours au même endroit, leur amour avait figé puis il avait gelé au fil du temps…

 

Renaud monte d’un pas lourd les marches étroites de l’escalier qui mène deux étages plus haut, à la chambre de leur love story. Rien a changé se dit-il…sauf leur complicité… La même moquette recouvre le sol, le bleu est devenu terne et au-dessus du lit, jadis lieu de plaisirs sans cesse renouvelés, est accroché le même tableau qu’il y a dix ans, encadré de bois brun. Renaud ne s’approche pas de la fenêtre, ce n’est pas la peine, il connaît par cœur le jardin, ses fleurs vivaces et ses arbustes.

 

Il sait qu’il est aussi fautif que Jenny, à moins que la trahison du temps ne soit en cause… cette putain d’habitude qui s’installe insidieusement, un peu plus chaque jour. Elle grappille les instants de bonheur, les sourires et les baisers, pour les remplacer par de la tendresse, de la politesse et des bisous posés matin et soir sur une joue distraitement tendue.

 

Renaud ouvre le tiroir de sa table de chevet et range consciencieusement le post-it dans un carnet rouge, entre les boules Quiès et la boite de somnifères dont il n’a jamais réussi à se sevrer. D’inquiétudes en angoisses récurrentes, il a trouvé plus confortable de s’endormir comme une masse le soir, sans s’appesantir sur les affres de la vie.

Peut-être aurait-il dû écouter Jennifer ? Elle lui avait demandé maintes et maintes fois de consulter un psychiatre pour « mettre à plat son passé ».  Il n’avait pas su ...ou pas voulu, qu’importe !

 

Il ouvre le carnet à la recherche des précédents post-it de Jennifer. Elle a toujours été fan de la communication par petits mots, disséminés çà-et-là dans l’appartement. Il adorait cela au début, c’est même ainsi qu’il a commencé sa collection. Il en a de toutes les couleurs, correspondant à toutes les époques de leur vie commune.

 

post it roseIl prend un paquet de mots roses et les étale sur le couvre-lit.

Son plaisir est de les mettre bout à bout comme un collier de papier et de les lire à haute voix en formant une phrase.

Rose, la couleur de leur amour...la couleur de la nappe...la couleur fétiche de Jennifer...la couleur de sa bouche…

 

«  Mon amour tu me manques »

 

« Je ne sais pas faire sans toi »

 

« Je t’espère à chaque instant »

 

«  My frenchie love, je t’aime »

 

A chaque mot découvert dans l’appartement, il répondait par une rose posée sur l’oreiller qu’elle trouvait en allant se coucher. Il poussait même l’audace, lui le timide invétéré, par lui téléphoner en contrefaisant sa voix, pour répondre à chaque mot câlin.

«  Allo ? Ici votre amant gente Dame, je veux vous faire l’amour, venez vite » Et elle rentrait, ils se bouffaient d’amour, Il la renversait sur le lit, elle le chevauchait, ils s’enivraient de baisers…

 

En soupirant, Renaud étale quelques post-it, griffonnés sur fond bleu :

 

post it bleu« Julian- médecin 15h30 – carnet de santé dans le tiroir »

 

« N’oublie pas de prendre du pain »

 

« Rien acheté pour chez Peter ce soir »

 

« Réunion demain soir, je dors chez Cynthia »

 

 

Quand cela avait-il commencé ? Pourquoi n’a-t-il pas eu la puce à l’oreille ? il aurait dû se douter que l’amour ne tiédit pas si vite.

Sûrement cette soirée trop arrosée avec leurs amis Andy et Cynthia. Andy et son air conquérant, Cynthia et son air soumis, lui et son air timide, Jennifer et son air joyeux.

 La joie avait été conquise, la timidité s’était soumise…

 

Un nouveau paquet de carrés collants, beiges cette fois-ci, attire son attention :

 

post it blanc

 

« Tu as oublié d’éteindre la lumière en partant, fais attention ! »

 

«  Ta fille veut aller danser samedi, on dit oui ? »

 

«  Tu as ronflé, va chez l’ORL »

 

«  Ta mère a encore appelé »

 

Il n’arrivait même plus à lui répondre. Il s’attachait encore à lui faire plaisir pourtant et à ne pas susciter ses reproches. Il éteignit la lumière…il dit oui à Sarah…il changea de chambre à coucher pour ne plus l’importuner, elle accepta sans rien dire… il appela sa mère régulièrement.

 

Un jour elle colla un post-it vert fluo sur le frigo : 

post it vert

 

 

 

« J’en ai marre, faut qu’on se parle »

 

 

 

 

 

Il se souvient ne pas avoir décollé le mot  et sans mot dire, il ouvrit le frigo, attrapa la dernière bouteille de lait – la boisson préférée de Jennifer – ouvrit le bouchon, et la vida d’un trait dans l’évier. Comme ça, pour rien.

Il attendit le retour de Jennifer, assis sur une chaise en face du frigo. Elle rentra tard… Il était frigorifié…elle lui dit qu’elle était amoureuse d’un autre…il ne demanda pas qui, se leva, monta à l'étage et pleura comme un con dans son lit. 

 

rougeHier soir, le post-it était rouge:

 

« Mon nouveau numéro : 0144- 5397-6528 »

 

Point barre. Il l’avait fichu à la poubelle.

 

noir

 

Et puis ce matin ce papier collant noir : signe de deuil...

 

« Les papiers du divorce sont prêts, tu n’a plus qu’à signer »

_

 




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AND THIS IS MY WAY (suite de la crise)


 

 

Ce matin papa est parti.

Il a quitté la maison sans me dire au revoir...

 

J’ai entendu la porte claquer.

Je me suis levée et me suis penchée par la fenêtre de ma chambre.

Le chien du voisin a regardé le taxi s’éloigner puis s’est tourné vers moi avec un air de reproche.

 

J’ai failli tomber dans l’escalier.

J’ai entendu la bande son de « My way » dans le salon.

Sur la télé, le prompteur défilait les paroles du karaoké en français. Ça parlait de faire semblant...

 

J’ai couru jusque dans la cuisine.

Les tartines ont sauté ensemble hors du grille-pain.

Un dernier clin d’œil au dévouement de papa et à son sens du timing irréprochable...

 

Il y avait..

  

Une bouteille de lait renversée dans l’évier,

La carte de fidélité de chez Tesco sur le plan de travail,

Son bol de café froid sur la table, abandonné au milieu des miettes de pain...

   

Des post-it pleins la poubelle.

L’écriture de maman, sur des papiers multicolores.

Et sur la porte du frigo,  celle de papa, au feutre noir sur des stickers jaunes à touche-touche...

  

don't forgetje t'aime I loe you

remember

 

 14 aout 1I loe you           je t'aimerememberje pense à toi

 

je t'aime