J’ bosse là où roulent des corps soumis
En position horizontale
Où s’opèrent des chairs endormies
Par anesthésie générale
Là où je bosse au fond des yeux
On lit la peur de la douleur
Qu’importe que l’on soit jeune ou vieux
On confie sa vie aux docteurs
J’ bosse où les p’tits appellent maman,
Où les moyens se veulent grands
Là où on regarde la télé
Avant de se faire opérer
Là où je bosse y’a pleins d’bébés
Qui naissent par chemin détourné
On y voit des pères angoissés
Réfugiés sur leur tabouret
J’bosse là où toute la journée
Tu gardes ton pyjama sur l’dos
Sur la tête tu mets un bonnet
Et dans les pieds t’as des sabots
J’bosse là où les interventions
Se déclinent en abréviations
J’te jure si tu veux t’y r’trouver
Sans déconner faut décoder
Là où je bosse tous les patients
Attendent leur tour impatiemment
Il y a ceux qui font demi-tour
Ceux qui s’éclipsent avant leur tour
Les plus angoissés ont fumé
Sans oublier les affamés
Les radios qu’on a oubliées
Les papiers qui n’sont pas signés
Et puis la famille qui s’inquiète
Et puis les patients qui tempêtent
Faut dire qu'au bloc opératoire
T’as beau faire t’es toujours en r’tard
Je bosse où les égos se choquent
Souvent se frottent et s’entrechoquent
Parfois pour travailler au bloc
Vaudrait mieux s’shooter aux médocs
Grimée sous les sourires factices
Sans honte l’hypocrisie s’affiche
Et puis sitôt le dos tourné S’agitent les langues acérées
Il faut bien que l’organe exulte
On pourrait dire langue de P… chut !!!
Le pire est qu’il y a un quidam
Pour soulager ses états d’âme
Ou sous prétexte de t’aider
Prend plaisir à te l’répéter
L’endroit oscille en permanence
Entre jouissance et la souffrance
J’bosse là où quoi que tu y fasses
Pour tous tu n’es qu’une conasse
T’as pas d’humour c’était pour rire
Hippocrate a vu bien pire
En prime on t’envoie en pâture
Sans s’occuper de tes blessures
Parait qu’c’est le job qui veut çà
Après tout t’es payée pour çà
Bien sûr il y a des exceptions
Dommage elles ne sont pas légions
La preuve est que dans ce pamphlet
Je n’peux en faire qu’un couplet
Je ne voudrais pas avoir l’air
D’polluer la soupe impopulaire
Mais honni soit qui mal y pense
Ça fait trop longtemps que j’y pense
J’bosse dans un monde de requins
Chacun a faim de son voisin
J’bosse dans un monde effarant
Où tout n’est que Temps…. et Argent