AfRique Médical ServIce



- Pierrick, éteins ton Smartphone ! Je t'ai déjà dit que ça risquait de dérégler les instruments de vol.

 

- Ouais ouais, tout de suite.... répondit le jeune homme, d'un ton laconique.

 

Stella tourna la tête pour s'assurer que l'apprenti-reporter accédait bien à sa demande.Il était en stage depuis quinze jours avec elle et la suivait partout, afin d'écrire un article sur le métier de médecin volant en terre d'Afrique.

C'était son métier. Elle avait intégré l'équipe d'A.M.S. "Afrique Médical Service" depuis deux ans dans un dispensaire de Musoma en Tanzanie, d'où elle partait en avion régulièrement pour faire la tournée des villages éloignés et apporter des soins à ceux dont les prises en charges locales ne suffisaient plus.

 

C'est ainsi qu'elle avait rencontré Fenyang à Mara, un village situé à quelques deux heures de vol. C'était un homme d'une trentaine d'années, souffrant d'une infection à la jambe, rebelle à tous les traitements locaux. Le mal s'était propagé et il était nécessaire d'emmener le jeune homme au dispensaire de l'association. Fenyang avait ėté difficile à convaincre car il était en charge d'une famille déjà nombreuse et devait travailler pour assurer leur subsistance. Quand Stella lui avait dit qu'il risquait l'amputation, il avait consenti à la suivre.

il avait fallu un mois entier pour endiguer l'infection et aujourd'hui Stella le ramenait guéri dans son village, à bord du Cessna Skyhawk de l'assoce.

 

- Regarde plutôt là-dessous dit-elle au stagiaire, en montrant de l'index la vitre sale du vieux coucou, tu ne reverras pas çà de sitôt.

Pierrick posa à regret son portable et jeta un coup d'oeil par la fenêtre.

 

- Waouhhh !!! Incroyable ! lâcha t-il impressionné.

 

Comme une explosion, un troupeau d´Impalas bondissait en zigzaguant de façon désordonnée, offrant un spectacle pour le moins exceptionnel. Le brun-rougeâtre de leur pelage, orné des lignes noires caractéristiques de l'espèce gracieuse, s'étalait en taches vives et mobiles. Une fois de plus, Stella pensa à "Carmen" et à l'allegro joyeux du prélude à la corrida.

 

- Oh la la ! Ce sont les championnes du saut en longueur ces nanas, dit Pierrick, bouche bée.

 

- Il y a des mâles aussi... Ceux qui ont des cornes...ajouta Stella avec un clin d´oeil.

 

Pierrick attrapa son portable et voulu faire une photo pour immortaliser l'instant.

 

- Non ! Je t'ai dit non ! cria Stella.

 

Au même moment, le cadran de l'altimètre se mit à s'affoler et on entendit un curieux bruit au niveau du moteur du Cessna.

 

- Shit ! Le moteur a des ratés ! C'est pas le moment...pas ici...

 

Deux secondes plus tard, après un ultime soubresaut, il cessa complètement de fonctionner. Le silence absolu ne dura que quelques secondes avant la réaction du jeune étudiant.

 

- Qu'est-ce qui se passe ? hurla t-il complètement affolé à la vue des cadrans fous et par le silence des moteurs. C'est moi qui ai fait çà ?

 

- On s'en fout ! Pour l'instant, il faut qu'on atterrisse d'urgence sinon on va se crasher...

 

Un silence de mort suivit cette déclaration. Fenyang, qui n'avait pas ouvert la bouche depuis le début du voyage dit simplement :

 

- J'ai confiance en toi Madame Stella. Tu sauves les gens.

 

- Allez ! Accrochez- vous les garçons ! J'ai déjà fait çà au moins deux fois. Ça va aller au quart de poil...

 

C'était absolument faux, mais personne ne le savait. Elle-même était loin d'éprouver l'optimisme qu'elle affichait. Et puis "au quart de poil" ....euh... Il ne fallait pas exagérer quand même...

La savane était vaste, ornée çà-et-là d´arbustes épars. Il suffit à Stella de garder son sang-froid, de faire une petite prière en serrant les dents - et en croisant surtout les doigts - pour réussir à poser le coucou tant bien que mal, faisant détaler au passage quelques gnous qui paissaient tranquillement.

 

L'aile gauche de l'appareil heurta violemment le sol et le moteur s'enflamma aussitôt.

 

- Vite ! Magnez-vous les fesses ! Il faut sortir de là, l'avion va exploser.

 

Ils eurent juste le temps d'attraper leurs sacs à dos et de sortir en courant de l'appareil.A peine une centaine de mètres parcourus et l'avion explosa dans une gerbe flamboyante.

 

- Ouf !  on a eu chaud, s'exclama Pierrick en mettant la main dans sa poche. Re- ouf c'est bon je l'ai, ajouta t-il pour lui-même.

 

- C'est le moins qu'on puisse dire, répondit Stella . Dsi donc toi, t'as fait un stage dans un cirque avant moi ? 

 

La voix posée de Fenyang calma les esprits :

 

- La nuit est en train de tomber. Il va falloir nous réfugier quelque part pour échapper aux animaux dit-il gravement. Regardez ! Là-bas il y a un baobab ! On sera en sécurité à l'intérieur.

 

Sans perdre un instant, ils coururent jusqu'à l'arbre gigantesque.

Ils étaient prêts à s'introduire dans la béance du tronc, quand un bruissement dans les feuilles les stoppa net. Un immense serpent jaune -vert d'au moins trois mètres se dressait entre eux et l'arbre, ouvrant une large gueule noire devant Pierrick. Celui-ci, son Smartphone à la main, était tétanisé, les yeux exorbités et sa bouche à lui, s'ouvrant sur une langue plutôt rose.

 

Fenyang s'écria :

 

- C'est un Mamba noir ! Le serpent le plus venimeux d'Afrique. Nous l'avons contrarié,  il veut juste quitter le baobab pour chasser. Jetez vite votre portable monsieur Pierrick il le prend pour une proie !

 

Comme Pierrick était incapable d'esquisser le moindre geste, Stella lui arracha le Smartphone des mains et le jeta le plus loin possible.

Ce geste eut pour effet de fair fuir l'énorme serpent à la recherche de son dîner. ( ndlr : Si la situation n'avait pas été aussi périlleuse, on eut pu se croire dans "Indiana Jones", sauf qu'Indiana n'était jamais venu en Afrique. Mais qu'importe...)

 

- Vite ! Entrons dans l'arbre, il a eu ce qu'il voulait.

 

- Tu es sûr qu'il n'a pas de famille ? demanda Stella peu rassurée.

 

- Non, répondit Fenyang, et puis les Mambas dorment la nuit.

 

Soulagés, les aventuriers forcés se serrèrent les uns contre les autres à l'intérieur de l'arbre. La nuit fut noire dans le ciel, mais très blanche pour les rescapés et ponctuée de cris et de grognements d'animaux.

Au petit matin, Fenyang partit tôt dans la savane, malgré les avertissements apeurés de ses  compagnons, à la recherche du village le plus proche.

Ce n'est que cinq heures plus tard qu'il revint, accompagné de deux hommes immenses et minces.

 

- Ce sont des Masaï, glissa le médecin à son stagiaire.

 

Comment les villageois prévinrent-ils les autorités ? Personne ne le sut, bien qu'on entendit des heures durant, l'écho des tams-tams dans la savane.

 

Il fallut une journée de plus avant qu'un avion ne vienne les chercher. Stella avait mis à profit ce temps pour visiter les habitants du village. Même ceux qui étaient bien portants voulurent tous rencontrer les hommes blancs qui avaient donné une nouvelle nourriture au Mamba noir. Nul doute que cette histoire ferait l'objet d'une légende qui se propagerait de génération en génération.

 

Ils déposérent au passage Fenyang dans son village, non sans l'avoir remercié chaleureusement de leur avoir sauvé la vie. Celui-ci répondit simplement :

 

- Tu m'as sauvé la vie madame Stella, c'est dans l'ordre des choses, je suis content.

 

- Et moi donc ! ajouta Pierrick qui avait retrouvé sa gouaille à défaut de son portable.

 

Deux jours plus tard, Stella et Pierrick se remémoraient leur aventure en sirotant une bonne bière. Le jeune homme ne parlait même plus de se racheter un portable, persuadé qu'il était à l'origine de leur mésaventure... Il n'était toujours pas remis de sa rencontre avec le Mamba noir et cela lui avait occasionné une réaction excémateuse de stress. Stella voulu lui appliquer un remède maison.

 

- C'est un onguent à base de venin de serpent, trés efficace contre les dermatoses, précisa Stella d'un air malicieux.

 

- Tu te moques de moi j'espère ! réagit le jeune stagiaire, outré.

 

La jeune femme éclata de rire.

 

- Plains-toi ! Non seulement tu es désintoxiqué de ton addiction, mais en prime tu vas pouvoir écrire l'article qui va faire de toi le major de ta promo !!! C'est ce qui s'appelle faire une pierre deux coups. Et puis qui sait ? Tu pourras même créer une nouvelle génération de téléphone, tu pourrais l'appeler... Euh...je ne sais pas moi... Pourquoi pas le MAMBAPHONE ? Un joli nom çà...une coque jaune-vert en écaille et un intérieur exclusivement noir.


Design non  ? Pourquoi tu fais la grimace ???